Trois des cinq cofondateurs de Tesla n’ont jamais connu la gloire ni la richesse escomptée du constructeur, depuis que ce dernier a progressé de plus de 27000% en Bourse. À l’ombre d’Elon Musk et de Jeffrey Brian Straubel, trois figures inconnues du grand public ont pourtant été des plus actives et des plus importantes à la naissance de la société, le 1er juillet 2003.
Martin Eberhard (premier PDG de Tesla) et Marc Tarpenning (à qui nous devons le nom de Tesla, en référence à l’inventeur Nikola Tesla), se sont lancés en premier dans l’aventure avant d’inviter Ian Wright, le premier ingénieur de la jeune société (qui rencontrait en premier Elon Musk avant qu’il ne rejoigne les rangs en tant qu’investisseur). À eux trois, ils font partie des “cofondateurs” de Tesla selon un règlement juridique découlant d’un procès de 2009.
Dans une enquête publiée par Forbes, des éléments clés de leur histoire nous ont permis de mieux comprendre l’évolution de leurs parts dans la société et de leur richesse qui en a découlé, tandis que Tesla s’envolait. Au cas par cas, nous nous sommes penchés sur leur récit et leurs commentaires sur leurs relations avec celui qui se décrit aujourd’hui comme le “technoking” de Tesla, Elon Musk, et ses 282 milliards de dollars de fortune au 10 novembre.
Martin Eberhard, licencié de Tesla
Le tout premier CEO de Tesla, qui fut présent le 1er juillet 2003 lors de la naissance de la marque, est aussi le plus délicat des portraits. En litige avec Elon Musk, en 2007, Martin Eberhard a mené un procès suite à son départ précipité de l’entreprise, quelque temps avant la commercialisation du Tesla Roadster, sur ordre de la direction. C’est à la suite de ce procès qu’il a été reconnu membre “cofondateur”, aux côtés des quatre autres figures mentionnées dans cet article.
Les raisons de son départ n’ont jamais été officielles. Entre Martin Eberhard et Elon Musk, de nombreux problèmes. Les deux s’accusaient tour à tour de nuire à la santé financière de l’entreprise. Dans un épisode du podcast Third Row Tesla, en janvier 2020, Elon Musk expliquait que Martin Eberhard avait menti sur des chiffres liés au premier modèle de Tesla. “C’est la pire personne avec qui j’ai travaillé”, déclarait-il.
Quant à sa fortune, Martin Eberhard n’a pas pu profiter de la gloire de Tesla. À son licenciement, il possédait 5% des parts de l’entreprise. Mais il les a revendues très rapidement par nécessité. “Quand j’ai été expulsé de Tesla, je n’avais pas d’argent, ou plutôt je n’avais vraiment pas d’argent”, se rappelait le cofondateur en réponse à une question de Forbes. “Pire que ça, je n’ai eu aucune possibilité d’emploi pendant environ un an”, ajoutait-il, du fait d’un accord de propriété intellectuelle.
Quand j’ai été expulsé de Tesla, je n’avais pas d’argent, ou plutôt je n’avais vraiment pas d’argent.
Marc Tarpenning, l’oeil sur les finances
Bras droit d’Eberhard en 2003, Marc Tarpenning s’est très vite placé comme le plus adapté pour surveiller les finances et faire monter la petite entreprise à un niveau supérieur. Il a décerné cinq ans de sa vie à Tesla, avant de quitter l’entreprise de son plein gré en 2008, à la suite du départ d’Eberhard, “car ce n’était plus amusant”. Il s’est depuis reconverti dans le capital-risque et travaille pour un VC de la Silicon Valley, Spero Ventures. Après avoir été directeur financier de Tesla, il fut promu vice-président.
Plus de treize ans après son départ, l’homme d’affaires s’est toujours montré discret et peu bavard sur le sujet. Il n’a pas souhaité répondre aux questions de Forbes, et confirmait seulement qu’il possédait encore des parts chez Tesla, mais que celles-ci ne faisaient pas de lui un actionnaire majeur. Ni Tesla ni son poste actuel n’ont fait de lui un milliardaire.
Ian Wright, un an chez Tesla
Le premier ingénieur de la bande, Ian Wright, fut approché par Martin Eberhard et Marc Tarpenning dès 2003. Cela dit, il ne resta qu’une seule année en poste chez Tesla. Lui qui cherchait toujours plus de défis s’y retrouvait davantage dans une autre société qu’il a lancée par la suite, baptisée Wrightspeed. Il fut un élément clé dans la découverte d’Elon Musk, à Los Angeles, alors que Tesla cherchait des investisseurs pour sa première levée de fonds en amorçage.
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Aussitôt parti de l’entreprise, Ian Wright n’a pas gardé très longtemps les parts qu’il détenait dans l’entreprise. À Forbes, il revenait sur le sujet avec une pointe d’amertume cachée. “Je ne possède plus d’actions Tesla”, déclarait-il avant d’ajouter que “bien sûr, je ne pouvais pas m’imaginer une valorisation de 1000 milliards de dollars”. Difficile à dire à combien s’élevaient les parts du cofondateur en 2004 ni la date à laquelle il s’en est séparé. Mais à l’écouter, cela fait des années qu’il n’est plus actionnaire.
Bien sûr, je ne pouvais pas m’imaginer une valorisation de 1000 milliards de dollars
Les deux milliardaires de Tesla
Jusqu’en 2019, il était encore deux cofondateurs à travailler sur Tesla. Jusqu’à ce que Jeffrey Brian Straubel quitte le bateau après quinze ans. Mais les deux milliardaires de Tesla n’ont pas été logés à la même enseigne, bien sûr. L’histoire du constructeur automobile n’a jamais été celle d’un duo et Elon Musk a récupéré l’ensemble de la popularité et de la maîtrise de la direction.
Jeffrey Brian Straubel, à condition qu’il n’ait pas revendu de nouvelles actions, possède une fortune estimée à 1,3 milliard de dollars grâce à Tesla. Il en est, dans tous les cas, toujours un actionnaire (ainsi que conseiller stratégique) et par conséquent, n’évoque pas beaucoup le dossier et refuse de répondre aux questions de Forbes. Chez le constructeur, il arrivait en 2004 en tant que dirigeant du département technique.
Depuis 2019, il s’est focalisé sur sa nouvelle entreprise de recyclage de batterie, Redwood Materials, qu’il a lui-même cofondé en 2017. Tesla fut un tremplin, tout comme Panasonic, pour débuter ses activités dans un secteur à l’avenir prometteur. La startup a signé un partenariat avec Amazon depuis.
La fortune d’Elon Musk avec Tesla
Alors que Tesla dépassait les 1000 milliards de dollars de capitalisation boursière récemment, la fortune d’Elon Musk a gonflé de plusieurs dizaines de milliards en quelques jours seulement. L’homme le plus riche du monde a creusé l’écart face aux autres prétendants au titre comme Jeff Bezos, l’ancien CEO d’Amazon. Pour construire sa fortune avec Tesla, Elon Musk a procédé à neuf rondes de financement avant que Tesla n’entre en Bourse en 2010.
Ensuite, en tant que CEO, il a signé un accord avec le conseil d’administration pour être rémunéré en options d’achat d’actions (stock options), qui lui permettent d’accueillir de nouvelles actions chaque trimestre. Actuellement, il serait actionnaire à hauteur de 17% dans Tesla, pour une fortune estimée à 180 milliards de dollars.
Le 10 novembre au soir, pour se prévenir de ses futures impositions sur le revenu (valables sur les stock options), Elon Musk revendait pour 5 milliards de dollars d’actions étalées sur trois jours. D’autres liquidations devraient suivre alors que l’homme promettait sur Twitter de se détacher de 10% de ses parts dans Tesla à la suite… d’un sondage sur Twitter.
Much is made lately of unrealized gains being a means of tax avoidance, so I propose selling 10% of my Tesla stock.
Do you support this?
— Elon Musk (@elonmusk) November 6, 2021
Que pensent-ils d’Elon Musk?
Dans l’enquête de Forbes et ailleurs dans la presse, les cofondateurs de Tesla ont régulièrement été interrogés sur leurs relations avec Elon Musk et leur avis sur son travail et sa vision. Pour Martin Eberhard, difficile de parler en toute honnêteté alors que les contrats à la suite de son procès avec le patron de Tesla possèdent une clause de non-dénigrement.
“Quelle que soit mon opinion sur Musk, je suis toujours très heureux de voir la révolution de la voiture électrique – que nous avons après tout commencée – j’aimerais voir cette révolution gagner”, se permettait-il simplement de dire. “L’évaluation est ce qu’elle est. Ce dont je suis heureux, c’est le succès de l’entreprise. Il est crucial que nous arrêtions les combustibles fossiles. Tesla en a été le principal moteur, ce que nous espérions depuis le début”, ajoutait Martin Eberhard.
Marc Tarpenning se montrait très bref et diplomate, dans une interview accordée à CNBC (et disponible ci-dessus). “Tout a été merveilleux du début à la fin. C’était, vous savez, le pire et le meilleur. Et ça s’est très bien passé”, expliquait-il, en ajoutant qu’il continuait de s’entretenir occasionnellement avec Elon Musk.
C’était, vous savez, le pire et le meilleur.
En 2015, dans une interview à Unfiltered, l’ancien ingénieur de Tesla Ian Wright revenait aussi sur les “leçons d’Elon Musk”, dans un entretien en lien avec sa précédente expérience chez Tesla suivie de son travail chez sa propre startup. Ian Wright se souvenait quant à lui d’un homme très bien informé, très intelligent et très investi dans Tesla. Il se rappelait qu’Elon Musk lui avait confié son idée de construire une marque automobile électrique, s’il n’avait pas choisi de se tourner vers SpaceX au début.
“Il est un bon ingénieur et un très bon porte-parole. Il n’a pas eu peur de faire des choses que personne n’avait faites avant”, disait-il aussi, en se rappelant des multiples questionnements du personnage – parfois jusqu’à tard le soir – pour savoir si un tel composant ne pouvait pas être utilisé à la fois sur le châssis et la carrosserie.
De cette longue histoire, un point commun avec Apple, s’intéressait David Hsu, professeur de gestion à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie dans l’enquête de Forbes. “Une dynamique quelque peu similaire chez Tesla s’est jouée chez Apple”, comparait-il, en expliquant que “la participation de Steve Jobs valait environ 2 milliards de dollars en 2011 et celle de Steve Wozniak est estimée à 100 millions de dollars. Ronald Wayne, le troisième cofondateur, a vendu sa participation tôt pour 800$. […] Les récompenses de Musk aujourd’hui découlent simplement d’un premier pari risqué qui lui a rapporté gros”.
En parallèle des analyses et des comparaisons avec d’autres entreprises s’être lancés à plusieurs avant d’exploser en Bourse, Tesla peut aujourd’hui se valoir d’être une référence pour de nombreuses marques et de nombreux autres PDG de marques internationales.
En pleine situation de crise avec ses salariés, le patron de Volkswagen, Herbert Diess, affirmait début novembre que “seuls ceux qui comprennent et ont un œil sur la concurrence peuvent gagner. Tesla est la référence aujourd’hui”, citant notamment la capacité du constructeur à produire plus vite: 10 heures par voiture pour Tesla contre 30 heures chez Volkswagen.
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